when destiny chose to cross our paths + heatal

Jambes repliées, j'attendais. Sous mes yeux, le personnel médical passait et repassait. Ils parlaient entre eux. Riaient. Se moquaient. Discutaient sérieusement d'un patient. Moi, je les observais. J'attendais. J'attendais pour passer un autre examen. Pour savoir comment mon coeur se portait. S'il se portait "bien" - si aucune complication n'avait lieu - ou si j'avais le malheur de le voir dépérir, de le voir devenir de plus en plus faible... Alors, j'attendais. J'écoutais les tic. Tac. Je les comptais inconsciemment tout en observant les gens. Le mur. Les portes qui s'ouvraient, se claquaient. Les chariots passaient, repassaient. Les patients passaient, me souriaient, m'ignoraient... Une sorte de danse se faisait. Une danse où je n'étais que la spectatrice de cette vie qui se passait autour de moi. D'une vie que je ne vivais plus à fond, que je n'arrivais plus à aimer. Et si mon coeur allait encore plus mal ? Je déglutissais avec difficulté... Je l'aurais mérité, c'était ce que je me disais à chaque fois. Mes choix m'ont menés à ça, c'était ce à quoi je croyais. J'avais touché les étoiles avec ma bande dessinée, je les avais effleurées, presque attrapées entre mes mains et pourtant, elles restaient là... Désormais hors d'atteinte. Je savais que j'avais fait les mauvais choix. Si je revenais en arrière, j'aurai fait autrement. J'aurai aidé cette fille. Je n'aurai pas vendu de drogue. J'aurai été autrement. J'aurai été quelqu'un d'autre. Je n'aurai pas coupé les ponts avec ma mère, mon frère... Même s'ils avaient commencé, pourquoi avais-je du cesser car ils le faisaient ? Spectatrice, je soufflais, je lançais un soupir... Je détournais le regard un instant de cette représentation d'une vie "normale" qui se déroulait sous mes yeux... Tu n'es pas le martyr de ce monde, voilà ce que répétait ma petite amie. Ah ! Peut-être... Sûrement, même mais... Pourquoi cela faisait si mal de l'entendre me dire ça et de la voir partir après ? pourquoi la douleur était encore plus forte quand elle revenait, l'air de rien, me prendre dans ses bras et embrasser mes tempes avec tendresse ? Pourquoi faisait-elle cela alors qu'on savait toutes les deux ce qu'elle faisait ? Qu'elle ne le cachait même pas ? Qu'elle me trompait ? Ma vie était ainsi... Elle était devenue un désastre. J'étais le martyr de mon histoire et je n'avais pas la plume entre les mains. Une autre personne la détenait et je me voyais obligée de subir ses choix par rapport à mon passé, à mes choix... Cette entité supérieure prenait mon pion et l'avançait à sa guise, choisissant seule de quel moment sera le plus propice pour que le coeur lâche, qu'il cesse de battre après que j'ai payé pour mes fautes... Un long laps de temps durant lequel je ne pouvais être... Que spectatrice.

Puis une tête connue. Un visage familier se présentait dans ce couloir blanc. Ce couloir plein de vie mais pourtant, si morne et si mortel à mes yeux. Ce couloir n'était que le symbole de ma marche lente vers la Fin et là, le passé me frappait au visage. Enfin, le passé... Il était récent. Récent de cette dernière convention. Enfin, des dernières. Celles d'où je reconnaissais la femme, avec ce visage froid et dur. Mais qui avait eu un regard si enjoué lorsqu'elle m'avait vue en dédicaces. Un regard plein de chaleur et de gaieté lorsqu'elle m'avait inondée de questions. Des "pourquoi", suivis de "comment", jusqu'à m'exposer ses théories sur mes histoires. M'en inventer de belles, éloignées des miennes, mais intéressantes. Des pistes que je n'aurai jamais explorées et que, pourtant, elle m'expliquait avec tant de conviction que je les avais notées après son passage. Pas pour les reprendre - ce serait du plagiat - mais m'en inspirer. C'était elle, cette fan du "premier jour". Celle qui faisait un peu peur. Que mes agents regardaient d'un air : "c'est qui, cette folle ?" comme d'autres de mes fans... Mais c'était différent avec elle. Krystal, voilà quel était son nom. C'était différent car elle n'était pas au point du fanatisme et elle semblait comprendre les failles dans mon oeuvre, elle les exposait et, si le temps n'était pas compté pour chaque personne lors de convention, j'aurai apprécié de parler avec elle. Mais elle n'était pas seule... Et moi, je devais satisfaire tout le monde. Du plus petit, au plus grand. Une de mes jambes se dépliait, m'ouvrant légèrement plus à ce monde m'entourant tandis que, silencieuse, j'observais cette femme. j'observais cette fan dans sa réalité. Celui de l'hôpital. Celui du monde tous les jours. Celui où mes comics ne devaient que prendre quelques minutes de son temps, dans une spirale bien différente... Mon menton se posait sur mon genou et comme bien souvent, j'imaginais une vie à cette personne. J'inventais un scénario de sa vie, de son parcours, de ce qu'elle faisait... La plupart de mes idées venait de ça. De ce jeu entre moi et mon imagination. Inventer une vie trépidante à des êtres comme moi...

Une nouvelle journée, une énième où je prévenais ma petite amie que je ne pourrais pas rentrer directement, que j’avais plus de travail que prévu, que je mangerais au réfectoire de l’Hôpital. Une nouvelle fois où j’allais rentrer, me retrouver probablement seule en compagnie d’Altaïr… C’était habituel, tellement que je ne me souvenais même plus de la dernière fois où j’avais passé la soirée en sa compagnie, où j’avais pu voir son visage pour autre chose qu’avoir des remarques. Remarques qui me blessaient, même si je ne le montrais pas, même si je restais impassible… Car j’étais ainsi. La plupart du temps, avec la majeure partie des gens. Peu savaient qui j’étais réellement, que sous cette carapace impassible se trouvait quelqu’un de plus sensible…

Une carapace que je gardais la plupart du temps, que mes collègues en même savaient… Et je jouais avec la breloque de mon bracelet, ce symbole représentant en réalité un crâne d’aigle et qui était connu des joueurs d’une certaine licence. L’un des rares éléments extérieurs que je portais et pouvant montrer que j’appréciais les jeux vidéo. Le reste était camouflé dans mon bureau ou se trouvait là où je vivais. Des objets que celle qui partageait ma vie n’appréciait que peu, au point qu’elle me rappelle que je n’étais plus une enfant, que la vie n’était pas un jeu. Je le savais. Parfaitement.

Je soufflais, marmonnais… J’avais envie de me changer les idées, de rentrer, de prendre une douche et de m’enrouler sous une couverture. De passer du temps avec elle, même si… C’était raté. Et je tournais les yeux quelques instants, croisais un corps qui me disait vaguement quelque chose, mais j’étais interpellée par une infirmière avant de me retrouver avec un dossier. Un nouveau s’ajoutant à ma pile. Pourrais-je réellement me poser un jour ? J’avais beau aimer ce que je faisais, je sentais la fatigue, je n’étais pas un androïde ou un mort-vivant…

Je finissais par me concentrer à nouveau, par voir que cette femme que j’avais aperçue un peu plus tôt était toujours là et qu’elle me disait bel et bien quelque chose. Pouvais-je approcher sans lui faire peur ? Je n’allais pas réagir comme une fangirl, nous n’étions pas en convention, mais peut-être risquait-elle de le croire si j’arrivais près d’elle… Croire que j’étais comme les autres, que je voulais un autographe ou juste l’ennuyer parce qu’elle était connue…

Mes doigts continuaient de s’amuser avec la breloque, j’inspirais et expirais doucement. Oh, allez Krys’, tu n’allais pas non plus l’agresser ! Je faisais un pas en avant, avant de me détourner, de prendre un simple sandwich et de finalement m’approcher de cette rouquine que je reconnaîtrais entre mille. Mes fesses se posaient sur l’un des sièges tout proche alors que je mordais dans cet aliment que je venais de m’acheter. Mon estomac gargouillant à certains moments…

« - Un souci ? A moins que vous ne soyez là pour visiter quelqu’un. Je doute que l’hôpital soit un lieu propice pour l’imagination… C’est assez, froid la plupart du temps. »

Mais qu’est-ce que je foutais ? Elle allait me prendre pour une tarée maintenant… Je posais le dossier sur mes genoux, jouais encore avec mon bracelet avant de mordre dans mon sandwich afin de me taire. C’était le mieux… Que je me la ferme, que je fasse celle qui n’était pas « intéressée », qui n’était pas « fan »… Que je sois juste professionnelle. Que la Krystal « fan de BD, jeux, comics et tout » reste au fin fond de moi… Camouflée. A nouveau, encore…

Parce que je ne pouvais pas l’être. J’étais sur mon lieu de travail, juste en train de me « poser » un peu le temps d’avaler quelque chose. Alors, je n’avais pas le droit de me laisser aller… Pas le droit de montrer tout ce que j’avais en moi.

« - Vous êtes là depuis longtemps ? »

Une question innocente qui quittait mes lèvres finalement et je me mordais l’intérieur des joues, me traitant d’idiote. Pourquoi ne pouvais-je juste pas me taire ? Pourquoi fallait-il que je m’enfonce toute seule devant elle ? D’habitude je n’avais pas de souci, je n’étais pas aussi « bavarde »… Sauf en convention, devant elle, dans un moment où je me laissais aller. En fait, je réalisais qu’elle faisait partie des rares personnes me voyant… Moi… Ou tu du moins m’ayant vue. Je continuais mon repas improvisé, ennuyée intérieurement et pourtant je restais de marbre.

« - Je vous dérange sûrement… Je ferais mieux d’y aller. »

Et hop, on en rajoute une couche. Bravo, Krystal… Utilise la fuite maintenant ! Non, mais… J’ai honte de moi-même ! Je suis bonne à être secouée parfois… Juste parce que j’ai du mal, que je ne suis pas habituée, que je ne suis pas « moi-même » la majeure partie du temps… Je tournais la tête vers elle malgré tout, observant ses réactions et attendant le couperet… Celui disant clairement que je l’ennuyais, que je n’avais pas à être près d’elle, qu’il faudrait que je retourne bosser ou aille voir mes patients.

» did i ever cross your mind? (dallas)